Niger, la leçon d'une crise
Niger, la leçon d’une
crise
La tragi-comédie de Tandja
a pris fin au Niger. Mais de quelle manière ?! Nous avions souhaité
que cela arrive quel que soit le moyen. Nous ne pouvons donc qu’être satisfait
de ce qui est arrivé. Seulement cette situation est révélatrice d’un mal propre
à l’Afrique : le peuple ne compte que pour du beurre. Comme nous le
disions c’est un mot fourre-tout qui est utilisé par qui veut, qui peut y
mettre effectivement ce qu’il veut. Voilà ! Le Niger a amorcé une sortie de crise mais ce n’est
pas le peuple qui est parvenu à résoudre
le problème. C’est l’armée. On peut se réjouir qu’elle ait pris ses
responsabilités pour libérer le peuple d’un dictateur. Mais on ne peut pas
ignorer que cette situation n’est pas celle que l’on souhaite pour un Etat
moderne. En effet cela révèle aussi qu’il n’y a que l’armée pour diriger le
pays. Tout se fait selon elle ou à condition qu’elle laisse faire. Ce qui nous
met devant la réalité que sans la bonne volonté de ses chefs l’Etat ne peut pas
avoir d’existence réelle. Nous
n’oublions pas que les espaces géographiques sont réels même si les frontières
sont encore sujet à caution ; nous
n’oublions pas qu’il y a une certaine population même s’il est vrai qu’à
l’intérieur on ne se connaît pas très bien ; nous n’oublions pas que politiquement nous revendiquons une même
appartenance, que l’on ne nie pas cette
identité ; toute chose qui affecte à ces espaces le nom Etat que le droit
international vient entériner. Seulement
dans leur fonctionnement il y a beaucoup de lacunes. On est même parfois
obligé de voir qu’il est plus caractéristique d’une situation de non-Etat.
Il faut pour cela voir comment certains gouvernements se
conduisent : les pouvoirs Africains sont une combinaison du système
politique des narcotrafiquants et celui des
Etats dictatoriaux. En effet dans
les républiques totalitaristes le pouvoir
ne peut souffrir d’aucune contestation.
Seulement ceux qui dirigent ont
une haute idée de l’Etat et œuvre à ce que leur Etat soit fort. Si on entend faire du citoyen un être docile
c’est pour que l’Etat soit fort. En Afrique le chef veut bien de cette toute puissance de l’Etat mais
seulement face au citoyen. En réalité le
chef se veut tout puissant devant le
citoyen mais ne fait rien pour que
l’Etat lui-même soit fort. Le développement est un mot que l’on veut
bien utiliser mais en pratique on ne cherche qu’à développer ceux qui sont dans
le giron du chef. Vous devenez riche si vous êtes au service du chef. Il ne
faut pas que quelqu’un s’en sorte autrement. Et c’est cet aspect qui est propre
au narcotrafiquant. Ils ne peuvent pas
admettre qu’un autre se mesure à eux.
Quand ils s’installent dans une région l’avis des habitants importe peu.
Il est surtout interdit de contester leur autorité. En Afrique, dans la majorité des Etats, c’est
le système que l’on met en place. Le
pouvoir n’hésite même pas à affamer une
région qui n’a pas voté pour lui. Nous avons vu ces sanctions tomber sur des
mairies qui ont eu des opposants à leur tête. C’est donc dire que nous sommes dans les pires
des systèmes de gouvernement. Car ici il n’y a qu’un chef. Tout le reste ne
compte pas.
Et c’est là que le rôle de l’armée prend tout son sens. En
effet dans certains Etats même l’armée
est tribale. Il n’y a que les membres de l’ethnie du chef pour être
commandant de l’armée. Il est important que ceux-ci jouissent de privilèges
qu’ils ne veulent perdre à aucun prix. Ils
deviennent ainsi prêts à tout pour défendre le chef. Il en est de même
pour ceux qui ont choisi de créer un régiment de sécurité présidentiel. Ils
font de l’armée un lieu de misère sauf
ce régiment. L’exemple du Burkina et surtout du Zaïre de Mobutu est bien
instructif. L’armée est réduite à réprimer
des civiles. Une armée dirigée contre son propre peuple. Voilà la trouvaille
certains chefs Africains. Dans ces cas
ils peuvent dormir tranquille parce que ce qui est arrivé à Tandja au Niger ne
leur arrivera pas. Il est encore heureux que cela arrive au Niger, que l’armée
soit encore républicaine, contrairement à certaine qui sont plutôt royalistes.
Mais il est inutile de penser que c’est une bonne chose car on a vu avec
Maïnassara que même dans cette armée certains chefs peuvent se laisser aller à
la tentation totalitariste. Est-il besoin de rappeler que Tandja a fait partie
des officiers les plus respectés de cette même armée. Ce qu’il avait mis en
marche n’avait pas autre but que de se soumettre cette armée à la manière de
certains de ses voisins. On comprend bien pourquoi en Afrique tout va autrement qu’ailleurs.
L’évidence est que cinquante ans d’indépendance ont produits un système politique original que nous
pouvons appeler dans le meilleur des cas une ’’martiocratie’’ quand il s’agit
d’une vraie armée, d’une armée républicaine. Mais bien souvent il s’agit plutôt
d’un groupe d’hommes armés qui ignorent
la république pour ne servir qu’un homme qui n’a pas une vraie compréhension de
l’Etat. Peut-on alors appeler ce système
autrement, en toute honnêteté, qu’une ‘‘voyoucratie’’ ?
Le Niger nous révèle que nous sommes toujours en train de
vaciller entre ces deux systèmes, que nous risquons toujours de basculer dans
le deuxième quand on n’y est pas encore. Certains qui y ont sombré n’arrivent
pas à s’en sortir trois décennies après ; dans certains pays le chef a
passé la main au fils. Et la régression
se perpétue pour une société désespérée.
K. B. T.
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